Reprendre en AUTOGESTION avis des avocats
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Autogestion des résidences de tourisme : alternative ou mythe ?
1348 lectures
Par Jacques Gobert, Nicolas Fouilleul, Christophe Jervolino, Avocats.
- mardi 19 novembre 2013
Nombreux sont ceux qui ont investi dans des résidences services, résidences de tourisme, classées ou non. Il faut dire que ce genre d’investissement a en théorie de quoi séduire : déduction de TVA, réduction d’impôt, possibilité de jouir de son investissement plusieurs semaines par an, loyers « garantis », gestion « sans souci » , rentabilité théorique élevée etc. L’attractivité de ce type d’investissement perdure, le régime CENSI BOUVARD ayant été prolongé jusqu’au 31.12.2016.
Dernière mise à jour : 18 février 2014
La pratique, dans des cas de plus en plus nombreux, est souvent bien éloignée de la théorie exposée par nombre de vendeurs.
Le résultat est malheureusement connu, et les difficultés impressionnantes :
des milliers d’investisseurs se retrouvent sans loyer, avec un gestionnaire en « faillite », ou leur proposant une réduction importante de loyer (qui atteint couramment 50%), un risque de requalification fiscale, des charges de copropriété, foncières et autres à payer, des travaux à faire, fréquemment un crédit à rembourser alors que les loyers ne rentrent plus, la résiliation s’avérant très difficile à obtenir, le preneur réclamant en cas de non renouvellement du bail une confortable indemnité d’éviction etc ...
Les méthodes contestables de certains gestionnaires ne seront pas exposées ici, elles ont été abondamment décrites dans la presse.
Les recours contre les responsables non plus : voir par exemple sur les notaires et les banques : CA RENNES 10/06752 15.2.2012, Cass. 2.10.2013, Cass 8.1.2013 11-19387, RENNES 24.03.201.
Le législateur a tenté de limiter les effets désastreux de ces pratiques (art L. 145-7-1 du Code de commerce). Cependant certains gestionnaires réussissent à atténuer la portée de ce tempérament légal...
Confrontés à ces difficultés, de nombreux investisseurs ont alors cherché à sortir de ce piège.
Ils ont alors envisagé de rompre le contrat de gestion les liant à l’exploitant de leur résidence, pour lui en substituer un autre, la loi conditionnant le maintien du statut de résidence de tourisme à la poursuite de l’activité par un exploitant unique (sauf dans certains cas).
Encore faut-il parvenir à cette rupture, ce qui est loin d’être aisé (paiement d’une indemnité d’éviction, difficulté de regrouper les investisseurs isolés qui se trouvent de ce fait à la merci du gestionnaire...).
Cependant, dans certains cas les baux de 100% des investisseurs ont été résiliés, laissant ainsi la voie libre à une reprise de l’ensemble de la résidence.
Mais dans d’autres cas la résiliation a été partielle. Ce qui pose d’épineux problèmes traités par ailleurs.
Les investisseurs bailleurs, ainsi libérés en totalité ou en partie de leur gestionnaire ont alors envisagé de se gérer eux-mêmes.
Le concept « d’autogestion » était né.
Il faut avouer que l’idée, bien que totalement dépourvue de statut légal, a de quoi séduire.
Elle consiste à permettre aux bailleurs de gérer eux-mêmes leur résidence via une SAS constituée par eux.
Créer une société « d’autogestion » ne permet-il pas d’éviter les inconvénients du modèle de gestion classique qui a précisément conduit les bailleurs aux difficultés esquissées ci-dessus ?
Les « solutions » alternatives au bail conclu avec un exploitant-gestionnaire du fonds de commerce de résidence de tourisme paraissent néanmoins devoir être approchées avec une très grande prudence.
1. « L’autogestion » est-elle la bonne réponse ?
L’autogestion est à la mode.
Cependant elle n’est prévue en tant que telle par aucun texte.
Elle semble recouvrir la faculté pour les copropriétaires de substituer une ou plusieurs entreprises au gestionnaire défaillant et rendant les mêmes services que celui-ci, dans certaines conditions, conformément à l’instruction du 25.10.2010.
Ainsi, par exemple en cas de résiliation de l’ensemble des baux, par le gestionnaire ou par un mandataire liquidateur, ou encore après la résiliation d’une partie des baux dès lors que le gestionnaire en place gère moins de 70% des lots, il est alors possible, aux termes des dispositions de l’article D321-2 du Code du Tourisme, d’envisager la possibilité de gérer « soi même » la résidence de tourisme.
Cette « autogestion » passe par la constitution d’une société (généralement une SAS) par les investisseurs « libérés » de leur gestionnaire.
« Alternative » à l’exploitation classique d’une résidence, la création d’une telle société, au capital de laquelle les investisseurs intéressés souscrivent, permet à ceux-ci de signer un bail avec celle-là.
Les avantages de cette solution semblent évidents : elle permet en quelque sorte de signer un bail avec soi-même, meilleur gage et plus sûr moyen d’éviter d’être trompé par autrui.
Cette société pourrait gérer directement la résidence ce qui là encore constitue le meilleur moyen de contrôler l’ensemble de l’activité de la résidence.
Seraient ainsi évités les inconvénients fréquemment dénoncés : paiement de l’indemnité d’éviction, des fonds de concours, la gestion opaque, les charges abusives, la baisse des loyers, les travaux non faits, les frais de commercialisation excessifs, etc..
Toutefois les inconvénients pratiques de « l’autogestion » sont trop fréquemment purement et simplement occultés au profit de la mise en avant de solutions juridiques et fiscales plaquées sans discernement sur des situations de fait très diverses.
En effet, en cas de gestion de la résidence par la société de gestion autogérée (ci-après dénommée SAS), les contraintes sont nombreuses et les risques évidents.
Ainsi les bailleurs-dirigeants de la SAS devront s’improviser chef d’entreprise, gérer leur propre inexpérience, l’absence d’actionnaire majoritaire, la présence d’autant d’actionnaires que de bailleurs, aux intérêts pas forcément convergents, l’absence de fonds propres, une présence quotidienne sur les lieux pour gérer la logistique nécessaires aux services à rendre obligatoirement (accueil, blanchisserie, petit déjeuner, nettoyage...), gérer les ventes, assurer la promotion du site, les réservations, mais aussi faire face aux contraintes inhérentes à tout ensemble immobilier(travaux, entretien etc.). On ne s’improvise pas hôtelier du jour au lendemain...
Ces contraintes paraissant en pratique impossibles à surmonter par la plupart des bailleurs-gestionnaires, par ailleurs occupés par leur vie professionnelle, il parait naturel d’envisager de confier tout ou partie de la gestion de la SAS à un ou des tiers.
Se pose donc la question de la possibilité de déléguer la gestion du fonds de commerce ainsi repris par la SAS.
Plusieurs solutions sont envisageables.
Toutes ont leurs avantages et leurs inconvénients.
2. La « gestion-mandat »
« L’autogestion » de résidence de tourisme consiste en fait, dans cette hypothèse, à déléguer la gestion du fonds de commerce à un gérant mandataire dont le statut est défini par la loi du 2 août 2005 (L. n° 2005-882, 2 août 2005, art. 19 : codifiée aux articles L. 146-1 et suivants du Code de commerce).
Le contrat de gérance-mandat est celui par lequel un mandataire, qualifié de gérant mandataire est chargé de gérer un fonds, au nom et pour le compte d’un mandant, moyennant le versement d’une commission généralement proportionnelle au chiffre d’affaires, en ayant toute latitude, de déterminer ses conditions de travail, d’embaucher du personnel sous sa responsabilité...
La « gestion mandat » se distingue d’autres techniques voisines, tel qu’exposé sommairement ci-après.
Il s’agit d’un contrat dérivé du contrat de mandat (articles 1984 et suivants du code civil), et non pas d’un contrat de sous-traitance (article 1799 du même code, loi du 31.12 1975). Cette distinction est capitale au plan notamment des risques encourus.
Par principe, le statut de gérant mandataire fait que celui-ci ne peut recevoir mandat de gérer une partie du fonds de commerce.
Il doit gérer le fonds de commerce dans sa totalité.
En effet, le fonds de commerce est une universalité qui ne peut être « découpée » en morceaux. Par exemple, il ne peut pas être envisagé de gérer séparément la clientèle, la réservation des séjours par internet, l’accueil, les travaux, la blanchisserie, le nettoyage etc..
C’est ce que confirme la doctrine : « En toute hypothèse, le contrat de gérance-mandat porte sur un fonds ».
Le contrat de mandat portant seulement sur des parties du fonds de commerce sont donc exposés à des actions en nullité de ce genre de contrat...
Certes, le mandataire, une fois enregistré au RCS peut recruter des salariés, faire appel à des fournisseurs, etc., mais il ne peut ni « sous-traiter » la gestion du fonds, ni être le sous-traitant, en tout ou partie du propriétaire du fonds, c’est-à-dire la SAS.
Ce mandat présente donc des avantages et des inconvénients lesquels ne doivent surtout pas être minimisés :
• Avantages :
A première vue les avantages sont multiples : débarrassés du souci de gestion inhérents à « l’autogestion », le fonds de commerce de la résidence des propriétaires est géré par un exploitant personne physique ou morale, tenu par contrat négocié par eux. La transparence semble totale, la SAS a négocié des couts de gestion maitrisés, les loyers sont théoriquement « surs » d’être payés etc..
La maitrise de la résidence par la SAS parait donc assurée.
C’est en effet elle qui choisit celui qui va être son mandataire, qui détermine avec lui la durée du mandat, son prix, ses conditions, etc..
En cas de contrat à durée déterminée, à l’arrivée du terme, il n’y a pas « d’indemnité d’éviction », ni de droit au renouvellement du contrat à la différence du cas où les investisseurs sont titulaires d’un bail commercial conclu avec un tiers gestionnaire.
Le contrat liant le mandant et le gérant-mandataire peut prendre fin à tout moment dans les conditions fixées par les parties.
Toutefois, en cas de résiliation du contrat par le mandant, sauf faute grave de la part du gérant-mandataire, le mandant lui verse une indemnité égale, sauf conditions plus favorables fixées par les parties, au montant des commissions acquises, ou à la commission minimale garantie mentionnée à l’article L. 146-3, pendant les six mois précédant la résiliation du contrat, ou pendant la durée d’exécution du contrat si celle-ci a été inférieure à six mois.Dans ce cas l’indemnité est laissée à l’appréciation des juges du fond. (Article L 146-4 du Code de commerce)
• Inconvénients :
Le gérant mandataire est chargé de gérer le fonds de commerce au nom et pour le compte d’un mandant : il engage donc le patrimoine de celui-ci. (Article L 146-1 du Code de commerce)
C’est un risque majeur.
Le contrat de gérance-mandat, en effet crée en principe un lien de droit entre le mandant et les tiers, et ce à l’initiative et du fait du mandataire.
En conséquence, les actes accomplis par le gérant dans les limites de ses pouvoirs engagent le seul mandant (Cass. 1re civ., 14 nov. 1978, Bull. civ. 1978, I, n° 346 ; Cass. com., 9 mai 1985, Bull. civ. 1985, IV, n° 143 ; Cass. 3e civ., 23 nov. 1988, JCP G 1989, IV, 30).
Le contrôle de ces actes ne s’effectuant qu’a posteriori, dans le cadre (à organiser) de la reddition des comptes, le mandant prendra soin de s’entourer de toutes les garanties avant de s’engager avec un mandataire... (Article L146-1 Alinéa 2 du Code de commerce)
Avant la "signature" du contrat, le propriétaire du fonds communique obligatoirement au gérant mandataire les renseignements utiles afin que ce gérant puisse d’engager en toute connaissance de cause, sous certaines conditions de forme, de délai etc. (Article D 146-1 du Code de commerce). Ce qui pose le problème de la connaissance, par la SAS de son propre fonds de commerce, ce qui ne sera pas forcément le cas lorsque celle-ci vient de prendre la suite d’un précédent gestionnaire.
Le mandant doit rembourser au gérant-mandataire les frais que celui-ci a fait pour l’exploitation du fonds avec les intérêts qui courent à compter du jour où ils ont été générés.
Le mandant doit rembourser les dépenses dès lors qu’elles ne sont pas fautives et que le gérant en établit la réalité et le montant.
Le mandant supporte les risques d’exploitation (L 146-1 alinéa 1 du Code de Commerce).
Mais reste à définir ce qu’il faut entendre par ces « risques »...par exemple ceux qui sont liés au personnel embauché par le mandataire, au regard notamment de l’art L782-1 du code du travail ? Quelles sont les conditions de travail que peut imposer le mandant sans s’exposer à la requalification du contrat de mandat en contrat de travail ? La jurisprudence est abondante sur ce point...
Le mandant doit payer la rémunération convenue, généralement une commission liée au chiffre d’affaires ou au bénéfice réalisé par le gérant. La difficulté est d’en déterminer le montant, lorsque par exemple, la SAS n’a pas de recul, d’antériorité, d’informations suffisantes pour connaitre le montant juste et équilibré de ces commissions.
En outre, se pose la question de la détermination de la rémunération minimale due au mandataire, en l’absence d’accord cadre au sens de l’art 146-3 du Code de commerce.
L’absence de communication à la SAS des données d’exploitation exigées par le Code du tourisme, par le gestionnaire l’ayant précédée, rend encore plus aléatoire la détermination de son montant.
Le mandataire ne garantit pas le résultat des actes accomplis au nom et pour le compte du mandant.
Sont rappelés ci-après les régimes alternatifs auxquels les propriétaires de lots en résidences services constitués en SAS sont susceptibles de faire appel.
3. Exploitation par un gérant salarié
Il est admis depuis longtemps qu’un propriétaire du fonds peut en confier la gérance à un salarié. Mais dans ce cas, il en conserve la responsabilité.
Le propriétaire du fonds reste commerçant, et le gérant est salarié.
Les risques de l’exploitation gérée par ce salarié restent supportés par la société constituée par les propriétaires exploitants.
Il résulte des échanges nombreux noués avec des propriétaires placés dans de telles situations que cette formule est jamais appliquée, en raison notamment de l’incompatibilité de la gestion à plein temps d’une résidence avec les contraintes du code du travail, et du cout d’un emploi salarié...
4. La location gérance
La location gérance est très un contrat ou une convention par laquelle l’exploitant d’un fonds de commerce en concède la location à un locataire gérant.
L’exploitation est donc assumée au nom, pour le compte et aux risques et périls de ce locataire.
Le propriétaire du fonds de commerce, ainsi en l’espèce par exemple la SAS constituée par les propriétaires, se voit déchargée de toute responsabilité de gestion, seul le locataire gérant en assumant les risques.
Toutefois, il est nécessaire pour consentir un contrat de location gérance à un locataire, que le propriétaire du fonds ait exploité celui-ci pendant au moins deux ans (article 144-2 du Code de Commerce).
Cette formule a l’avantage de permettre au propriétaire de dégager des revenus de location maitrisés par lui puisqu’ils auront été négociés entre le locataire et lui-même.
Ces revenus permettront de régler les diverses charges incombant en l’espèce à la SAS, propriétaire du fonds de commerce et composée des investisseurs : loyers, taxes foncières, taxes diverses, travaux.
A noter que les taxes foncières ainsi que le coût des travaux peuvent mis à la charge du locataire.
C’est une affaire de négociation.
L’avantage tient au fait aussi que le contrat de location gérance prend fin à son terme.
La difficulté sera ici de ménager la faculté pour les propriétaires investisseurs d’obtenir du locataire gérant la mise à disposition de leurs lots pendant des périodes prédéterminées.
°°°°°°°°°°°°°°°En conclusion : °°°°°°°°°°°°°°°°
Il est donc dangereux pour les copropriétaires non avisés d’exploiter eux même leurs lots, au sein de résidences de tourisme ou plus généralement de résidences services, dont ils se sont portés acquéreurs, sans jamais n’avoir eu la volonté de devenir hôtelier.
Toutefois, les quelques solutions alternatives à la gestion directe ou au traditionnel bail commercial ne doivent pas être choisies avec légèreté,
• sans adopter un des régimes prévu par la loi en matière d’exploitation de fonds de commerce,
• sans s’adapter à la problématique de chaque résidence,
• et sans s’entourer des conseils d’un spécialiste.
Me Jacques GOBERT - Me Nicolas FOUILLEUL - Me Christophe JERVOLINO
SCP GOBERT & ASSOCIES
www.gobert-associes.com
En savoir plus sur http://www.village-justice.com/articles/AUTOGESTION-RESIDENCES-TOURISME,15621.html#pZIAptIfUWoq1sGp.99
1348 lectures
Par Jacques Gobert, Nicolas Fouilleul, Christophe Jervolino, Avocats.
- mardi 19 novembre 2013
Nombreux sont ceux qui ont investi dans des résidences services, résidences de tourisme, classées ou non. Il faut dire que ce genre d’investissement a en théorie de quoi séduire : déduction de TVA, réduction d’impôt, possibilité de jouir de son investissement plusieurs semaines par an, loyers « garantis », gestion « sans souci » , rentabilité théorique élevée etc. L’attractivité de ce type d’investissement perdure, le régime CENSI BOUVARD ayant été prolongé jusqu’au 31.12.2016.
Dernière mise à jour : 18 février 2014
La pratique, dans des cas de plus en plus nombreux, est souvent bien éloignée de la théorie exposée par nombre de vendeurs.
Le résultat est malheureusement connu, et les difficultés impressionnantes :
des milliers d’investisseurs se retrouvent sans loyer, avec un gestionnaire en « faillite », ou leur proposant une réduction importante de loyer (qui atteint couramment 50%), un risque de requalification fiscale, des charges de copropriété, foncières et autres à payer, des travaux à faire, fréquemment un crédit à rembourser alors que les loyers ne rentrent plus, la résiliation s’avérant très difficile à obtenir, le preneur réclamant en cas de non renouvellement du bail une confortable indemnité d’éviction etc ...
Les méthodes contestables de certains gestionnaires ne seront pas exposées ici, elles ont été abondamment décrites dans la presse.
Les recours contre les responsables non plus : voir par exemple sur les notaires et les banques : CA RENNES 10/06752 15.2.2012, Cass. 2.10.2013, Cass 8.1.2013 11-19387, RENNES 24.03.201.
Le législateur a tenté de limiter les effets désastreux de ces pratiques (art L. 145-7-1 du Code de commerce). Cependant certains gestionnaires réussissent à atténuer la portée de ce tempérament légal...
Confrontés à ces difficultés, de nombreux investisseurs ont alors cherché à sortir de ce piège.
Ils ont alors envisagé de rompre le contrat de gestion les liant à l’exploitant de leur résidence, pour lui en substituer un autre, la loi conditionnant le maintien du statut de résidence de tourisme à la poursuite de l’activité par un exploitant unique (sauf dans certains cas).
Encore faut-il parvenir à cette rupture, ce qui est loin d’être aisé (paiement d’une indemnité d’éviction, difficulté de regrouper les investisseurs isolés qui se trouvent de ce fait à la merci du gestionnaire...).
Cependant, dans certains cas les baux de 100% des investisseurs ont été résiliés, laissant ainsi la voie libre à une reprise de l’ensemble de la résidence.
Mais dans d’autres cas la résiliation a été partielle. Ce qui pose d’épineux problèmes traités par ailleurs.
Les investisseurs bailleurs, ainsi libérés en totalité ou en partie de leur gestionnaire ont alors envisagé de se gérer eux-mêmes.
Le concept « d’autogestion » était né.
Il faut avouer que l’idée, bien que totalement dépourvue de statut légal, a de quoi séduire.
Elle consiste à permettre aux bailleurs de gérer eux-mêmes leur résidence via une SAS constituée par eux.
Créer une société « d’autogestion » ne permet-il pas d’éviter les inconvénients du modèle de gestion classique qui a précisément conduit les bailleurs aux difficultés esquissées ci-dessus ?
Les « solutions » alternatives au bail conclu avec un exploitant-gestionnaire du fonds de commerce de résidence de tourisme paraissent néanmoins devoir être approchées avec une très grande prudence.
1. « L’autogestion » est-elle la bonne réponse ?
L’autogestion est à la mode.
Cependant elle n’est prévue en tant que telle par aucun texte.
Elle semble recouvrir la faculté pour les copropriétaires de substituer une ou plusieurs entreprises au gestionnaire défaillant et rendant les mêmes services que celui-ci, dans certaines conditions, conformément à l’instruction du 25.10.2010.
Ainsi, par exemple en cas de résiliation de l’ensemble des baux, par le gestionnaire ou par un mandataire liquidateur, ou encore après la résiliation d’une partie des baux dès lors que le gestionnaire en place gère moins de 70% des lots, il est alors possible, aux termes des dispositions de l’article D321-2 du Code du Tourisme, d’envisager la possibilité de gérer « soi même » la résidence de tourisme.
Cette « autogestion » passe par la constitution d’une société (généralement une SAS) par les investisseurs « libérés » de leur gestionnaire.
« Alternative » à l’exploitation classique d’une résidence, la création d’une telle société, au capital de laquelle les investisseurs intéressés souscrivent, permet à ceux-ci de signer un bail avec celle-là.
Les avantages de cette solution semblent évidents : elle permet en quelque sorte de signer un bail avec soi-même, meilleur gage et plus sûr moyen d’éviter d’être trompé par autrui.
Cette société pourrait gérer directement la résidence ce qui là encore constitue le meilleur moyen de contrôler l’ensemble de l’activité de la résidence.
Seraient ainsi évités les inconvénients fréquemment dénoncés : paiement de l’indemnité d’éviction, des fonds de concours, la gestion opaque, les charges abusives, la baisse des loyers, les travaux non faits, les frais de commercialisation excessifs, etc..
Toutefois les inconvénients pratiques de « l’autogestion » sont trop fréquemment purement et simplement occultés au profit de la mise en avant de solutions juridiques et fiscales plaquées sans discernement sur des situations de fait très diverses.
En effet, en cas de gestion de la résidence par la société de gestion autogérée (ci-après dénommée SAS), les contraintes sont nombreuses et les risques évidents.
Ainsi les bailleurs-dirigeants de la SAS devront s’improviser chef d’entreprise, gérer leur propre inexpérience, l’absence d’actionnaire majoritaire, la présence d’autant d’actionnaires que de bailleurs, aux intérêts pas forcément convergents, l’absence de fonds propres, une présence quotidienne sur les lieux pour gérer la logistique nécessaires aux services à rendre obligatoirement (accueil, blanchisserie, petit déjeuner, nettoyage...), gérer les ventes, assurer la promotion du site, les réservations, mais aussi faire face aux contraintes inhérentes à tout ensemble immobilier(travaux, entretien etc.). On ne s’improvise pas hôtelier du jour au lendemain...
Ces contraintes paraissant en pratique impossibles à surmonter par la plupart des bailleurs-gestionnaires, par ailleurs occupés par leur vie professionnelle, il parait naturel d’envisager de confier tout ou partie de la gestion de la SAS à un ou des tiers.
Se pose donc la question de la possibilité de déléguer la gestion du fonds de commerce ainsi repris par la SAS.
Plusieurs solutions sont envisageables.
Toutes ont leurs avantages et leurs inconvénients.
2. La « gestion-mandat »
« L’autogestion » de résidence de tourisme consiste en fait, dans cette hypothèse, à déléguer la gestion du fonds de commerce à un gérant mandataire dont le statut est défini par la loi du 2 août 2005 (L. n° 2005-882, 2 août 2005, art. 19 : codifiée aux articles L. 146-1 et suivants du Code de commerce).
Le contrat de gérance-mandat est celui par lequel un mandataire, qualifié de gérant mandataire est chargé de gérer un fonds, au nom et pour le compte d’un mandant, moyennant le versement d’une commission généralement proportionnelle au chiffre d’affaires, en ayant toute latitude, de déterminer ses conditions de travail, d’embaucher du personnel sous sa responsabilité...
La « gestion mandat » se distingue d’autres techniques voisines, tel qu’exposé sommairement ci-après.
Il s’agit d’un contrat dérivé du contrat de mandat (articles 1984 et suivants du code civil), et non pas d’un contrat de sous-traitance (article 1799 du même code, loi du 31.12 1975). Cette distinction est capitale au plan notamment des risques encourus.
Par principe, le statut de gérant mandataire fait que celui-ci ne peut recevoir mandat de gérer une partie du fonds de commerce.
Il doit gérer le fonds de commerce dans sa totalité.
En effet, le fonds de commerce est une universalité qui ne peut être « découpée » en morceaux. Par exemple, il ne peut pas être envisagé de gérer séparément la clientèle, la réservation des séjours par internet, l’accueil, les travaux, la blanchisserie, le nettoyage etc..
C’est ce que confirme la doctrine : « En toute hypothèse, le contrat de gérance-mandat porte sur un fonds ».
Le contrat de mandat portant seulement sur des parties du fonds de commerce sont donc exposés à des actions en nullité de ce genre de contrat...
Certes, le mandataire, une fois enregistré au RCS peut recruter des salariés, faire appel à des fournisseurs, etc., mais il ne peut ni « sous-traiter » la gestion du fonds, ni être le sous-traitant, en tout ou partie du propriétaire du fonds, c’est-à-dire la SAS.
Ce mandat présente donc des avantages et des inconvénients lesquels ne doivent surtout pas être minimisés :
• Avantages :
A première vue les avantages sont multiples : débarrassés du souci de gestion inhérents à « l’autogestion », le fonds de commerce de la résidence des propriétaires est géré par un exploitant personne physique ou morale, tenu par contrat négocié par eux. La transparence semble totale, la SAS a négocié des couts de gestion maitrisés, les loyers sont théoriquement « surs » d’être payés etc..
La maitrise de la résidence par la SAS parait donc assurée.
C’est en effet elle qui choisit celui qui va être son mandataire, qui détermine avec lui la durée du mandat, son prix, ses conditions, etc..
En cas de contrat à durée déterminée, à l’arrivée du terme, il n’y a pas « d’indemnité d’éviction », ni de droit au renouvellement du contrat à la différence du cas où les investisseurs sont titulaires d’un bail commercial conclu avec un tiers gestionnaire.
Le contrat liant le mandant et le gérant-mandataire peut prendre fin à tout moment dans les conditions fixées par les parties.
Toutefois, en cas de résiliation du contrat par le mandant, sauf faute grave de la part du gérant-mandataire, le mandant lui verse une indemnité égale, sauf conditions plus favorables fixées par les parties, au montant des commissions acquises, ou à la commission minimale garantie mentionnée à l’article L. 146-3, pendant les six mois précédant la résiliation du contrat, ou pendant la durée d’exécution du contrat si celle-ci a été inférieure à six mois.Dans ce cas l’indemnité est laissée à l’appréciation des juges du fond. (Article L 146-4 du Code de commerce)
• Inconvénients :
Le gérant mandataire est chargé de gérer le fonds de commerce au nom et pour le compte d’un mandant : il engage donc le patrimoine de celui-ci. (Article L 146-1 du Code de commerce)
C’est un risque majeur.
Le contrat de gérance-mandat, en effet crée en principe un lien de droit entre le mandant et les tiers, et ce à l’initiative et du fait du mandataire.
En conséquence, les actes accomplis par le gérant dans les limites de ses pouvoirs engagent le seul mandant (Cass. 1re civ., 14 nov. 1978, Bull. civ. 1978, I, n° 346 ; Cass. com., 9 mai 1985, Bull. civ. 1985, IV, n° 143 ; Cass. 3e civ., 23 nov. 1988, JCP G 1989, IV, 30).
Le contrôle de ces actes ne s’effectuant qu’a posteriori, dans le cadre (à organiser) de la reddition des comptes, le mandant prendra soin de s’entourer de toutes les garanties avant de s’engager avec un mandataire... (Article L146-1 Alinéa 2 du Code de commerce)
Avant la "signature" du contrat, le propriétaire du fonds communique obligatoirement au gérant mandataire les renseignements utiles afin que ce gérant puisse d’engager en toute connaissance de cause, sous certaines conditions de forme, de délai etc. (Article D 146-1 du Code de commerce). Ce qui pose le problème de la connaissance, par la SAS de son propre fonds de commerce, ce qui ne sera pas forcément le cas lorsque celle-ci vient de prendre la suite d’un précédent gestionnaire.
Le mandant doit rembourser au gérant-mandataire les frais que celui-ci a fait pour l’exploitation du fonds avec les intérêts qui courent à compter du jour où ils ont été générés.
Le mandant doit rembourser les dépenses dès lors qu’elles ne sont pas fautives et que le gérant en établit la réalité et le montant.
Le mandant supporte les risques d’exploitation (L 146-1 alinéa 1 du Code de Commerce).
Mais reste à définir ce qu’il faut entendre par ces « risques »...par exemple ceux qui sont liés au personnel embauché par le mandataire, au regard notamment de l’art L782-1 du code du travail ? Quelles sont les conditions de travail que peut imposer le mandant sans s’exposer à la requalification du contrat de mandat en contrat de travail ? La jurisprudence est abondante sur ce point...
Le mandant doit payer la rémunération convenue, généralement une commission liée au chiffre d’affaires ou au bénéfice réalisé par le gérant. La difficulté est d’en déterminer le montant, lorsque par exemple, la SAS n’a pas de recul, d’antériorité, d’informations suffisantes pour connaitre le montant juste et équilibré de ces commissions.
En outre, se pose la question de la détermination de la rémunération minimale due au mandataire, en l’absence d’accord cadre au sens de l’art 146-3 du Code de commerce.
L’absence de communication à la SAS des données d’exploitation exigées par le Code du tourisme, par le gestionnaire l’ayant précédée, rend encore plus aléatoire la détermination de son montant.
Le mandataire ne garantit pas le résultat des actes accomplis au nom et pour le compte du mandant.
Sont rappelés ci-après les régimes alternatifs auxquels les propriétaires de lots en résidences services constitués en SAS sont susceptibles de faire appel.
3. Exploitation par un gérant salarié
Il est admis depuis longtemps qu’un propriétaire du fonds peut en confier la gérance à un salarié. Mais dans ce cas, il en conserve la responsabilité.
Le propriétaire du fonds reste commerçant, et le gérant est salarié.
Les risques de l’exploitation gérée par ce salarié restent supportés par la société constituée par les propriétaires exploitants.
Il résulte des échanges nombreux noués avec des propriétaires placés dans de telles situations que cette formule est jamais appliquée, en raison notamment de l’incompatibilité de la gestion à plein temps d’une résidence avec les contraintes du code du travail, et du cout d’un emploi salarié...
4. La location gérance
La location gérance est très un contrat ou une convention par laquelle l’exploitant d’un fonds de commerce en concède la location à un locataire gérant.
L’exploitation est donc assumée au nom, pour le compte et aux risques et périls de ce locataire.
Le propriétaire du fonds de commerce, ainsi en l’espèce par exemple la SAS constituée par les propriétaires, se voit déchargée de toute responsabilité de gestion, seul le locataire gérant en assumant les risques.
Toutefois, il est nécessaire pour consentir un contrat de location gérance à un locataire, que le propriétaire du fonds ait exploité celui-ci pendant au moins deux ans (article 144-2 du Code de Commerce).
Cette formule a l’avantage de permettre au propriétaire de dégager des revenus de location maitrisés par lui puisqu’ils auront été négociés entre le locataire et lui-même.
Ces revenus permettront de régler les diverses charges incombant en l’espèce à la SAS, propriétaire du fonds de commerce et composée des investisseurs : loyers, taxes foncières, taxes diverses, travaux.
A noter que les taxes foncières ainsi que le coût des travaux peuvent mis à la charge du locataire.
C’est une affaire de négociation.
L’avantage tient au fait aussi que le contrat de location gérance prend fin à son terme.
La difficulté sera ici de ménager la faculté pour les propriétaires investisseurs d’obtenir du locataire gérant la mise à disposition de leurs lots pendant des périodes prédéterminées.
°°°°°°°°°°°°°°°En conclusion : °°°°°°°°°°°°°°°°
Il est donc dangereux pour les copropriétaires non avisés d’exploiter eux même leurs lots, au sein de résidences de tourisme ou plus généralement de résidences services, dont ils se sont portés acquéreurs, sans jamais n’avoir eu la volonté de devenir hôtelier.
Toutefois, les quelques solutions alternatives à la gestion directe ou au traditionnel bail commercial ne doivent pas être choisies avec légèreté,
• sans adopter un des régimes prévu par la loi en matière d’exploitation de fonds de commerce,
• sans s’adapter à la problématique de chaque résidence,
• et sans s’entourer des conseils d’un spécialiste.
Me Jacques GOBERT - Me Nicolas FOUILLEUL - Me Christophe JERVOLINO
SCP GOBERT & ASSOCIES
www.gobert-associes.com
En savoir plus sur http://www.village-justice.com/articles/AUTOGESTION-RESIDENCES-TOURISME,15621.html#pZIAptIfUWoq1sGp.99
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